La pratique du blason n'est pas la même chez tous les peuples qui ont des armoiries ; et, sauf quelques règles générales qui ont été adoptées par tous, il y a des différences assez marquées, pour que nous ayons cru devoir terminer cet exposé par quelques indications à ce sujet.
En France
En France, le blason est généralement plus exact dans la pratique que dans les autres pays, parce que c'est en France que les premières règles ont été posées ; aussi est-ce dans les armoiries françaises qu'on rencontre le plus de pièces primitives dites
honorables, lesquelles sont, comme on sait, les marques de la plus ancienne comme de la meilleure noblesse.
L'azur ou le bleu et l'or dominent dans le blason français ; la cause en est, qu'indépendamment des circonstances qui ont fait adopter en France le bleu de préféfenee à une autre couleur, les nobles prirent généralement pour leurs armoiries les couleurs choisies par le souverain, qu'ils tenaient à honneur de porter comme marques de sujétion et de nationalité, surtout, à une époque où, les armées réunies de divers peuples n'avaient pas, comme de nos jours, des uniformes et des cocardes qui les fissent reconnaître. C'est par le même motif que les pièces naturelles ou artificielles sont venues se placer, à l'imitation des trois fleurs de lis de-France, au nombre de trois sur l'écu ; comme autrefois, avant la: réduction des fleurs de lis à ce nombre par le roi Charles vi, c'était au contraire en semé que les petites pièces étaient distribuées sur le champ de la robe, de la cotte d'armés et de l'écu.
Les nobles de l'ancien duché de Bourgogne adoptèrent la couleur gueules à l'imitation de leurs souverains, comme aussi la dévotion à saint André multiplia les sautoirs ou croix de Saint-André dans les armoiries des seigneurs bourguignons.
Par le même motif d'imitation et de sujétion, les gentilshommes bretons placèrent l'hermine dans leurs armoiries, ainsi que des billettes, à cause de l'illustre maison de Beaumanoir, et des mâcles à cause de celle de Rohan.
Les brisures introduites dans les armoiries des princes français mirent ce genre de modification fort à la mode parmi les seigneurs leurs sujets.
Les chefs et les bandes sont fréquents dans les armoiries des plus grandes familles des provinces centrales de la France, probablement à cause de la maison de Poitiers, qui était très influente dans le Dauphiné et le Valentinois.
Plusieurs familles de la Franche-Comté portent des billettes à l'exemple des anciens comtes de cette province…
En Provence, on voit beaucoup d'armoiries qui diffèrent totalement de celles des provinces voisines, parce que la plupart des anciennes familles de ce pays sont originaires d'Italie et d'Espagne ; c'est ainsi que l'on trouve beaucoup de tours, de châteaux, de tourteaux, de besants, d'étoiles, de croix, etc.
Les croix comme les coquilles sont également très répandues en Normandie : les croix parce que ce pays a donné beaucoup de chevaliers aux croisades, et les coquilles par dévotion à saint Michel.
Les pals et les bordures sont très répandus dans le Languedoc, à l'imitation des maisons de Catalogne, de Foix et d'Aragon, comme les lions et les léopards sont fréquents en Guyenne, dans la Normandie et la Picardie parce que ces trois provinces en portent dans leurs armoiries, et aussi par suite de l'occupation anglaise.
On rencontre beaucoup de merlettes dans les armoiries de Champagne et de Normandie à cause de voyages d'outre-mer. d'après La Science du blason
Vicomte Louis de Magny — Paris, 1861
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