Pléonasme

PLÉONASME, subst. masc. Mot superflu, qui n'ajoute rien au sens, et ne fait qu'une répétition inutile. Ce défaut n'est pas moins fréquent dans l'art héraldique que dans le langage ordinaire, excepté qu'il est quelquefois une beauté dans le discours, et qu'il n'est jamais dans le blason qu'une faute choquante, qu'il est d'autant plus essentiel de signaler qu'elle est consacrée par les premiers maîtres en cette science.

Parmi un grand nombre de Pléonasmes, ceux qui frappent le plus, et dont l'usage est le plus fréquent, sont les deux qui se trouvent en ces phrases : lion rampant, léopard passant ; ces deux mots choquent singulièrement l'oreille de quiconque entend un peu le langage héraldique, et en effet, c'est comme si l'on disait en français un cadavre inanimé, une personne qui monte en haut, etc.

Le Pléonasme, comme nous l'avons dit, est une répétition inutile, puisqu'il n'ajoute rien à ce qu'on a dit précédemment, et qu'il est aussi désagréable à l'oreille, que le sont aux yeux deux mots semblables à côté l'un de l'autre, au milieu d'une page de belle écriture, et cette faute se commet fréquemment par l'inobservation ou l'ignorance des principes et des conventions établies ; ainsi, on ne doit pas dire un lion rampant, un léopard passant, un lévrier courant, une tour crénelée, un croissant montant, une épée haute, ou en pal, un lambel de trois pendants, ou posé en chef, un tronc ou écot noueux, un paon rouant, une croix pleine, un pal au pied fiché, un arbre au pied nourri, un dextrochère mouvant du flanc senestre, une coquille oreillée, etc., parce qu'il a été reçu en principes qu'un lion dans l'écu paraîtrait rampant, un léopard passant, un lévrier courant, une tour crenelée, un croisant montant, une épée en pal, un lambel avec trois pendants et en chef, un tronc avec des noeuds, un paon rouant, une croix pleine, qu'un dextrochère serait mouvant du flanc senestre, qu'une coquille aurait de petites marques en forme d'oreilles, vers le chef, etc., et qu'on n'exprimerait la position et la forme de chacun de ces meubles en particulier, que lorsqu'elles ne seraient pas naturelles. Quant au pal et à l'arbre, comme l'un ne saurait être fiché, et l'autre nourri que par le pied, ce dernier mot est inutile.

On fait un Pléonasme en exprimant la position d'un certain nombre de meubles de l'écu, lorsque cette position est la plus ordinaire ; ainsi on ne doit pas dire deux besants en pal ; trois fleurs-de-lys, deux et une ; quatre roses, deux et deux ; cinq tourteaux en sautoir ; six pommes de pin, trois, deux et une ; sept merlettes, trois, trois et une ; huit lionceaux, en orle ; neuf billettes, trois, trois et trois ; dix losanges, quatre, trois, deux et une, etc., parce que ces meubles ou autres en même nombre, sont posés dans leur assiette ordinaire, et qu'on ne doit exprimer leur position que lorsqu'elle n'est pas ainsi. Voyez Meubles.

On fait encore un Pléonasme en spécifiant un certain nombre de pièces formées par les répartitions de l'écu, comme en disant fascé, bandé, palé, barré, chevronné de six pièces ; burelé, coticé, vergeté de dix pièces ; gironné de huit pièces, etc. attendu que ce nombre étant le plus ordinaire, il devient inutile de le spécifier : Voyez chacun de ces mots en l'ordre alphabétique.

De tous les animaux et meubles de l'écu, le lion est celui qui fait tomber le plus souvent dans ces sortes de fautes ; quelques-uns, comme nous l'avons remarqué plus haut, disent qu'il est rampant, d'autres non contents ajoutent qu'il est armé, lampassé, vilené, etc. quoique toutes ces choses soient naturelles à cet animal, et que lorsqu'il ne les a pas, on l'exprime par les termes morné, éviré, etc. et qu'enfin on ne nomme ces choses que lorsqu'elles sont d'un autre émail. Il nous semble qu'il n'en coûterait pas plus, en disant que le lion a une langue, des griffes et une verge, d'ajouter qu'il a une tête, une queue, etc.

Un autre genre de fautes plus graves, et que nous nommons pour cette raison barbarisme, n'est pas moins fréquent que le Pléonasme. C'est le terme langué, en parlant des quadrupèdes, comme du lion, du loup, du sanglier, etc. et le mot lampassé en parlant du griffon, de l'aigle, du dragon, etc., de même que les mots ongle en parlant des oiseaux, et armé en parlant des animaux au pied fourchu. Beaucoup d'anciens auteurs sont remplis de ces défauts de langage héraldique qui sont venus jusques à nous, et que peu de gentilshommes évitent. Mais le barbarisme le plus choquant et le plus ordinaire, c'est celui où, en parlant de la tête d'un animal, ils ajoutent qu'elle est armée et lampassée, n'observant point que le mot armé ne se dit que des griffes des animaux, et qu'à une tête seule il n'y a point de griffes.

Je n'ai rapporté que sommairement les Pléonasmes qu'on doit éviter dans l'art héraldique ; il y en a une infinité d'autres qu'une connaissance exercée et un discernement délicat peuvent seuls faire connaître, et parmi ceux-ci, il y en a beaucoup contre lesquels l'usage prévaudra longtemps.

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